L' usine des Sinapismes "Rigollot"
L' usine des Sinapismes "Rigollot"
Paul-Jean RIGOLLOT né à Saint Etienne le 12 mai 1810 meurt le 11 mars 1873 à Paris.
Il suit les cours de l’Ecole de pharmacie de Paris. Il retourne dans sa ville natale et s’y établit comme pharmacien. Cependant, il se ruine dans l’élaboration d’inventions industrielles telles qu’un régulateur de gaz et un avertisseur d’alarme de grisou pour les mines de houilles.
Ces innovations ne sont malheureusement pas retenues par les industriels.
Par manque de ressources, il entre dans l’usine de la Pharmacie centrale Saint-Denis, usine Menier, pour y travailler comme chimiste puis comme directeur.
C’est durant ce temps, qu’entre 1866 et 1867 il perfectionne le procédé de « papier sinapisme » dont les premières feuilles figures à l’Exposition Universelle de Paris. Il rédige aussi à cette occasion une note à l’Académie de Médecine expliquant sa découverte et son procédé.
Il s’agit de feuilles de papier imprégnées de poudre de graines de moutarde. La farine de moutarde contient de la mysorine et du myronate de potasse qui sous l’effet de l’humidité produisent l’essence de moutarde qui a des effets antalgiques.
Il suffit de tremper les feuilles dans un peu d’eau froide ou tiède pendant quelques secondes et de les appliquer sur la zone du corps nécessaire. Au contact de la peau, l’essence de moutarde dégage une sensation de chaleur soulageant les douleurs.
Ce procédé a l’avantage de ne pas salir le linge ni d’incommoder les malades par une forte odeur. Ce sinapisme (provenant du terme latin « sinapis » signifiant moutarde) a pour but de soulager les affections des voies respiratoires (rhumes, toux, bronchites) et les douleurs dues aux rhumatismes.
Ce remède existe aussi en poudre ce qui permet de l’utiliser comme cataplasme et en bain de pieds.
À la suite de cette innovation, Paul Jean Rigollot s’associe à la famille Darrasse afin de faire l’acquisition d’un terrain où construire une usine.
La famille est propriétaire des établissements Darrasse Frères, une société pharmaceutique à Paris.
Elle possède aussi une annexe à Vincennes et des succursales en province.
Les Darasse sont donc chargés de l’exploitation commerciale des productions de l’usine, de la farine moutarde et des sinapismes Rigollot.
Paul Jean Rigollot est par la suite écarté de la production et la famille Darrasse devient seule propriétaire de l’usine et de la marque de papier Rigollot.
La fabrique de production de ce papier sinapisme dit « papier Rigollot » est fondée entre 1867 et 1868 et est transférée à Fontenay-sous-Bois en 1872 au croisement de l’avenue Montreuil, avenue de la République et 118 rue Dalayrac. Elle couvre une superficie de 4 000 mètres, dispose d’une force de 12 chevaux et emploie entre 15 et 39 ouvriers et ouvrières.
Durant les premières années de son installation à Fontenay-sous-Bois, le transport depuis et vers l’usine sont réalisés avec des chariots tractés par des chevaux. Plusieurs décennies plus tard, les livraisons et approvisionnements se font par camionnettes.
L’usine est composée d’un vaste magasin de stockage et de traitement des graines de moutarde, des ateliers de déshuilage et de fabrication des sinapismes.
Dans un atelier de conditionnement, les sinapismes sont mis sous leur forme commerciale. Des contrôles en laboratoire durant la fabrication sont réalisés.
La fabrication des papiers Rigollot nécessite aussi l’emploi de quantités importantes de solvants inflammables pour le déshuilage de la farine de moutarde et dissolution de caoutchouc formant la colle fixant la farine sur le papier. Ces solvants sont stockés dans un local isolé en sous-sol et les propriétaires de l’usine avait prévu un périmètre large de sécurité en cas d’incendie via l’acquisition de parcelles de terrain mitoyen à l’usine.
De plus, les vapeurs de benzène (solvant) étant toxiques, l’usine est soumise au contrôle des établissements classés. Un dispositif de récupération permet d’éviter la diffusion de vapeurs dans les ateliers et l’atmosphère. Le personnel est aussi soumis à une surveillance médicale.
Le fonctionnement de l’usine demande aussi une grande consommation d’eau pour la condensation des vapeurs d’essence et leur récupération dans l’atelier de déshuilage. L’eau est ensuite récupérée et stockée dans un grand réservoir à plusieurs mètres au-dessus du niveau du sol. La fabrication des sinapismes consiste d’abord à chauffer la colle puis le papier. Ensuite, ce dernier est enduit avec du sulfure. Le papier d’un mètre de large passe sur un rouleau et reçoit des projections de farine de moutarde avant d’être coupé puis empaqueté.
Durant la période précédant la première guerre mondiale, ce procédé de papier Rigollot a beaucoup de succès parmi la population. Il est aussi utilisé par les hôpitaux de Paris, les ambulances, les hôpitaux militaires, la marine française et comme remèdes vétérinaires au sein de la cavalerie française et les compagnies de transport.
Son succès s’étend même à l’étranger : en Europe, en outre-mer, allant jusqu’en Amérique latine. En quantité, cela représente une production de 25 000 papiers Rigollots par jour et environ 250 boîtes de moutarde vétérinaire utilisées tant en France qu’à l’étranger. La fabrique des Rigollots est à plusieurs reprises médaillée aux diverses Expositions universelles d’Amsterdam, Melbourne, Paris et Lyon.
En 1917, dans un contexte militaire, l’usine est utilisée afin de produire du gaz « ypérite » (gaz moutarde).
Suite à des protestations des habitants inquiets pour leur santé à cause des émanations de gaz, la production est déplacée en dehors de Fontenay.
Le nombre d’employés diminue progressivement jusqu’à ce que l’usine finisse par cesser son activité en 1960 suite à son expropriation dans le cadre d’une rénovation urbaine.
La marque et la fabrication, cédées par la société Darrasse, sont reprises par la société Vaillant rue Falguière à Paris de 1960 à 1985.
Après 1985, les sinapismes Rigollot sont fabriqués par les Laboratoires Ardeval, puis Chefaro-Ardeval, à Largentière en Ardèche.
Le nom de cette production perdure dans la dénomination du quartier.
Sources
-Fonds privé Codevelle
-Fonds privé Dolleans
-Fonds communal
-Journal « La Gazette de l’Est » du 26 août 1917
Article rédigé en août 2025 par Aude Gaidamour