16-17 juillet 1942, la grande rafle du Vél' d'Hiv'
Si plusieurs rafles ont eu lieu en 1941, la rafle du Vél' d'Hiv' en 1942 reste et restera la plus importante : 13 152 personnes raflées dont une cinquantaine de Fontenaysiens.
Tout est prévu ou presque.
Le recensement et le fichage des juifs de France commencent très tôt. Aux premiers mois de l'Occupation, le gouvernement de Vichy édicte un statut des Juifs. La loi est publiée au Journal officiel le 18 octobre 1940 mais est datée du 3 octobre. Elle vise à dissuader les Allemands d'intervenir dans les affaires intérieures de la France, quelques jours après qu'ils aient publié une ordonnance pour le recensement des juifs en zone occupée. Viennent ensuite les lois de Vichy du 2 juin 1941 sur le statut et le recensement des juifs. Plusieurs rafles ont lieu en 1941.
Mais la rafle du Vél' d'Hiv, en juillet 1942, est et restera la plus importante: 28 000 personnes devaient être raflées dont 2 057 pour les 25 communes de la banlieue.
Elle s'appuie sur le fichier des juifs où l'adresse, la composition familiale sont indiquées. Une circulaire précise que seront arrêtés et rassemblés les juifs allemands, autrichiens, polonais, tchécoslovaques, russes "blancs" ou "rouges" et apatrides. La limite d'âge est fixée à 2 ans et 60 ans (55 ans pour les femmes). La date prévue initialement était le 13 juillet. On préfère laisser passer la Fête Nationale et l'opération "vent printanier" est fixée aux 16 et 17 juillet.
La Police aux Questions Juives envoie au Directeur de la Police Municipale les fiches classées des personnes à arrêter. Les fiches sont ensuite transmises aux Commissariats. Fontenay-sous-Bois dépend de celui de Vincennes. Elle n'a qu'un simple poste de Police. Les équipes d'arrestation sont composées d'un gardien en tenue et d'un gardien en civil ou d'un Inspecteur des Renseignements Généraux ou de la Police Judiciaire. Au total, 9000 policiers et gendarmes procèdent à la rafle.
Il faut faire vite, sans paroles inutiles et sans commentaires précise la circulaire. Il faut simplement obéir.
Des camions bâchés débarquent à l'aube du 16 juillet dans les rues de Fontenay. La veille de l'opération, de nombreux juifs eurent vent des rafles projetées. Certains réussissent à se cacher chez des voisins et à éviter une mort certaine. Des fonctionnaires de la Police française auraient renseigné sur les rafles projetées, les personnes qu'ils devaient arrêter.
Les équipes d'arrestation vont arrêter les juifs chez eux. Elles ont les adresses grâce aux fiches distribuées.
A Paris, des témoins décrivent des scènes inhumaines, des personnes préfèrent se suicider plutôt que de se faire arrêter. Les enfants de moins de 2 ans sont séparés de leur mère. Les cris, les pleurs remplissent les rues. Les troupes sont renforcées après 6H00 par 15 gendarmes et 9 gardiens de la paix en civil. Les rafles durent jusqu'au lendemain, 17 juillet, vers 13H00.
On estime le nombre total d'arrestations à une cinquantaine de personnes pour Fontenay-sous-Bois dont 6 mineurs de 18 moins de 18 ans et presque autant d'hommes que de femmes. Pour la circonscription de Vincennes (comprenant les villes de Fontenay-sous-Bois, Vincennes, Saint-Mandé), la Police Française arrête pas moins de 153 personnes. Mais elle n'atteint pas l'objectif fixé par les autorités allemandes. Elle arrête au total 13 152 personnes dont 4000 enfants.
Les camions déposent ensuite les fontenaysiens aux centres de détention de Vincennes : 27 rue des Laitières (ancienne salle des fêtes), au commissariat, rue Lejemptel (actuelle poste centrale) et au 3-5bis rue Louis-Besquel (ensemble de maisons)
En juillet 42 j'ai vu les débuts de la rafle du Vel' d'Hiv'. En allant prendre le pain un jeudi matin vers 10 heure, il régnait une grande agitation au poste de Police, dans les sous-sols de l'ancienne mairie. Des hommes, habillés de noir avec chapeaux, faisaient des allées et venues entre le camion bâché et le poste. Des gens se trouvaient déjà dedans. J'ai appris avec horreur qu'ils embarquaient de malheureux fontenaysiens.
Lucienne Scaglia, 11 ans en 1942, fontenaysienne, demeurant rue Pierre Larousse
Les célibataires et les couples sans enfants sont envoyés directement au camp d'internement de Drancy, pour être ensuite déportés au camp d'Auschwitz. Le premier départ vers les camps d'extermination se fait dès le 19 juillet 1942.
Des lieux de rétention provisoires de Vincennes, les familles, avec enfants, sont ensuite amenées au Vélodrome d'Hiver, rue Nétalon, dans le XVe arrondissement de Paris. Elles y restent 5 à 6 jours, selon les cas, dans des conditions effroyables. Elles rejoignent les autres juifs raflés à Paris et en banlieue, 9 000 personnes.
Rien n'avait été prévu pour recevoir cette foule appelée à y résider plusieurs jours. Le premier jour, il n'y eut aucun ravitaillement. Il n'y avait même pas de latrines, celles servant lors des réunions sportives étant inutilisables. Le lendemain le Secours National put distribuer une soupe mais de nombreux internés n'avaient pas eu le temps d'apporter avec eux un récipient. L'assistance médicale était largement insuffisante. Des cas d'enfants atteints de diphtérie, de scarlatine et de rougeole ne furent pas pris en compte et une épidémie toucha par la suite 300 enfants envoyés dans les camps de Pithiviers et Beaune-la Rolande. Certains décèdent.
De la Gare d'Austerlitz, les internés sont transférés dans les camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande, dans le Loiret. Les conditions de détention y sont tout aussi déplorables. Lors des déportations vers les camps de concentration, on sépara les enfants de moins de 12 ans de leurs parents. Inutile de décrire l'horreur que vécurent ces familles séparées. Par la suite, les enfants de 2 à 12 ans, restés à Pithiviers et Beaune-la Rollande, furent transférés à Drancy, par wagons plombés, sous la garde de femmes déportées. Aucun ne reviendra vivant des camps.
6000 juifs raflés les 16 et 17 juillet vont alimenter le programme de déportation jusqu'au 29 juillet.
Entre le 17 juillet et le 11 novembre 1942, 38 convois d'environ 1 000 déportés quittent le pays à destination d'Auschwitz.