Archives municipales - Patrimoine - Fontenay-sous-Bois

Traces de la guerre 1914-1918 sur le territoire fontenaysien

Traversée de Fontenay pour une balade numérique

En 2018, le thème des Journées du patrimoine était « l’art du partage ». 

A cette occasion, le service des Archives municipales a choisi de vous faire partager les recherches effectuées et les archives collectées sur la guerre 1914-1918.

Les documents qui sont proposés sont issus des archives publiques de la Ville et de fonds privés déposés ou donnés lors de la collecte locale lancée en 2014. 

Vous pouvez retrouver ces fonds parmi d'autres dans la rubrique Présentation des fonds du conflit 1914-1918

Fontenay au début de la Guerre

Carte de Fontenay au début du conflit, extrait du Bulletin paroissial "Le clocher", février 1915 Fonds D. Codevelle
Carte de Fontenay au début du conflit, extrait du Bulletin paroissial "Le clocher", février 1915 Fonds D. Codevelle

Celle-ci permet de se représenter la ville au début de la guerre.

La localité compte 15000 habitants.

L'activité principale est alors l'agriculture. Il y a des fermes, des laiteries (un inventaire fait mention de 143 vaches), des vergers et des marécages. 

Divers ateliers et fabriques sont répartis dans le village.

Avec l'arrivée du chemin de fer, deux usines d'importance viendront s'implanter : 

  • l'usine des Frères Gaveau (fabrication de piano)
  • l'usine Rigollot (qui fabrique des cataplasmes dits aussi synapismes à la moutarde).

L'arrivée du chemin de fer, c'est aussi l'arrivée de riches parisiens qui font construire des villas à la campagne, près du bois.

Le long de la "Route Stratégique", on trouve le cimetière et les équipements militaires, notamment avec la redoute et le fort de Nogent. Au delà c'est la plaine et des cultures.

Consulter l'intégralité du bulletin "Le clocher"  

L' accueil des blessés : la Croix-Rouge

Carte d'identité de l'Union des Femmes de France de Mademoiselle Bertin, 1915
Carte d'identité de l'Union des Femmes de France de Mademoiselle Bertin, 1915

En cette journée du 14 juillet 1915, les membres de l'Union des Femmes de France étaient réunies. Afin de participer à cette journée, celles-ci disposaient d'un laisser-passer. 

Celui-ci était destiné à Mademoiselle Bertin, infirmière, comme l'atteste l'image suivante.

Melle Bertin, parisienne, s'est mariée après la guerre avec Léopold Breuillot. Son action en faveur des soldats est relatée à travers leur correspondance.

Fonds Breuillot

Verso de la carte d'identité de l'Union des Femmes de France de Mademoiselle Bertin, 1915
Verso de la carte d'identité de l'Union des Femmes de France de Mademoiselle Bertin, 1915

L'Union des Femmes de France (créée en 1881) est l'une des trois sociétés d'entraide qui ont constitué les forces de la Croix-Rouge avec la Société de secours aux blessés militaires et l'Association des Dames Françaises.

C'est la Croix-Rouge qui était chargée des soins dans les hôpitaux auxilaires.

68 000 infirmières auraient été recrutées par la Croix-Rouge entre 1914 et 1918.

Fonds Breuillot

L' accueil des blessés : les hôpitaux

Grand pensionnat de jeunes filles, Institution Belle-vue, carte  postale 1908
Grand pensionnat de jeunes filles, Institution Belle-vue, carte postale 1908

L' accueil des blessés doit s'organiser très vite. Les hôpitaux militaires ne suffisent pas à accueillir l'afflût des blessés dès les premiers mois du conflit. Des hôpitaux complémentaires sont mis en place par l'armée. Des hôpitaux auxiliaires vont être déployés pour l'accueil des blessés plus légers et confiés à la Croix-rouge. Ils sont installés dans des lieux adaptés.

Ici, au 16 rue de Noé (rue du Révérend-Père-Aubry), c'est un hôpital auxiliaire qui s'installe dans le pensionnat de jeunes filles. La propriété est vaste et donne aussi sur la rue de Neuilly.

Cet hôpital porte le numéro 268. C'est là que le soldat Fontenaysien Camille Chaudière meurt le 24 mai 1915 de maladie aggravée (retrouvez sa fiche Mémoire des hommes).

Rue de Neuilly, institution de Bellevue, carte postale, 1917
Rue de Neuilly, institution de Bellevue, carte postale, 1917

Observez la croix sur la porte de l'Institution Bellevue. 

Il est ici doublement confirmé que l'Institution Bellevue était un hôpital auxiliaire lors de la guerre.

Fonds D. Codevelle

Verso de la Carte postale Rue de Neuilly, Institution de Bellevue, 1917 Fonds D. Codevelle
Verso de la Carte postale Rue de Neuilly, Institution de Bellevue, 1917 Fonds D. Codevelle

Le 10 rue du Neuilly était une autre entrée de l'institution Belle-vue (vue précédente). 

Le cachet postal "franchise postale militaire" laisse lire à son pourtour "Hôpital auxiliaires 2??, Fontenay-sous-Bois.

La numérotation des hôpitaux était donnée en fonction de la Société d'entraide qui en avait la charge.

  • De 1 à 100 pour la Société de secours aux blessés militaires
  • De 101 à 200 pour l'Union des femmes de France
  • De 201 à 300 pour l'Association des Dames françaises

Nous pouvons en déduire que l'Hôpital auxiliaire du 10 rue de Neuilly était tenu par l'Association des Dames Françaises.

Deux autres séries ont été ouvertes tant le besoin de lieux d'accueil des blessés était important.

Photographie sans titre [1914-1918]. Fonds D. Codevelle.
Photographie sans titre [1914-1918]. Fonds D. Codevelle.

L'intérieur de l'hôpital auxilaire installé dans l'Institution Bellevue, au 10 rue de Neuilly.

Le médecin porte le brassard de la Croix-Rouge et deux infirmières sont coiffées d'un voile de la Croix-Rouge.

Enveloppe de l'Hôpital Complémentaire Militaire n°B48, 1918
Enveloppe de l'Hôpital Complémentaire Militaire n°B48, 1918

Cette entête révèle la présence d'un hôpital complémentaire, au 8 rue du Clos d'Orléans.

Ce nouvel hôpital est inauguré dans la propriété de Monsieur Ruel, propriétaire du BHV.

Monsieur Henri-Etienne Ruel la "fit aménager à ses frais et installer complètement et confortablement en établissement sanitaire" comme le rappelle la Gazette de l'Est dans son édition du 20 février 1921.

Extrait du journal illustré Excelsior, 5 novembre 1914
Extrait du journal illustré Excelsior, 5 novembre 1914

L'hôpital est inauguré au 8 rue du Clos d'Orléans.

Il s'agit, comme l'atteste l'enveloppe à entête présentée précédemment, d'un hôpital complémentaire et non auxiliaire, qui dépend de l'Hôpital Bégin situé à Saint-Mandé.

Cette page du journal a fait l'objet d'une acquisition en 2017 par le service des archives de la Ville. 

B48, Fontenay s/Bois, 1917
B48, Fontenay s/Bois, 1917

Observons cette carte postale ; en bas à droite, on peut lire "Fontenay-sous-Bois B48"

C'est le numéro de l'hôpital complémentaire (B pour Bégin) du 8 rue du Clos d'Orléans.

Hospice intercommunal, carte postale 1916
Hospice intercommunal, carte postale 1916

"Aux convalescents militaires - le Bon gîte - Fontenay-sous-Bois"

Ce tampon "le Bon gîte" est apposé sur une carte postale représentant l'hospice intercommunal (aujourd'hui, ce bâtiment n'est plus visible ; démoli en 2010, il a été remplacé par la Maison de retraite intercommunale Hector Malot, inaugurée en janvier 2011) 

Pourtant "le Bon gîte" est le nom d'un autre établissement ouvert en avril 1916. Il était situé au 46 rue Emile-Roux.

 Cet établissement a été ouvert par le docteur Girardot et son épouse dans leur propriété, comme le relate "La Gazette de l'Est" dans son édition du 7 mai 1916. 

Aucune représentation de ce lieu n'est disponible aux archives municipales.

Quel statut avait l'hospice pendant la guerre ? Accueillait-il aussi des militaires ?

Verso de la carte postale, Hospice intercommunal, 1919
Verso de la carte postale, Hospice intercommunal, 1919

Il s'agit d'une correspondance militaire datée de janvier 1916 à Fontenay et expédiée le 1er février.

"le Bon gîte" est dédié à la convalescence, "répondant à des besoins immédiats. Cette œuvre a pour but d’assurer le rétablissement complet et rapide des blessés et des malades sortant des hôpitaux militaires, qui ne sont pas en état de rejoindre leurs dépôts régimentaires, et d’apporter aussi un adoucissement à ceux que la guerre a rendus impropres au service" dans la Gazette de l'Est du 7 mai 1916.

D'autres lieux à Fontenay accueillaient aussi des soldats malades ou blessés :

  • Une infirmerie militaire, au 8 rue du Châtelet (rue Charles-Bassé), dans les locaux du Patronage (association de la paroisse).
  • Un hôpital rue Dalayrac (?). Madame Léontine Granet, brue d'un ancien Maire (Jacques Simon Boschot), a fondé un comité des Dames Française à Fontenay et a créé un hôpital dès 1914, mais on ne sait pas où ; peut-être dans sa propriété, l'ancienne demeure de Dalayrac, dont elle avait fait un pensionnat. [source : "Souvenirs d'un autre siècle" de Adolphe Boschot, reprise dans la brochure Echos d'archives].
Carnet de timbres Croix-Rouge Française de l'Hôpital auxiliaire 73 Champion Smith de Nogent sur Marne, 1916 Fonds D. Codevelle
Carnet de timbres Croix-Rouge Française de l'Hôpital auxiliaire 73 Champion Smith de Nogent sur Marne, 1916 Fonds D. Codevelle

D'autres hôpitaux auxiliaires sont situés à proximité de Fontenay, notamment à Nogent comme l'atteste la couverture d'un carnet de timbre au nom d'un hôpital auxiliaire de Nogent.

Madame Champion Smith, peintre fortunée, a mis sa propriété nogentaise à disposition de la Croix-Rouge Hôpital auxiliaire 73.

Ces timbres édités par la Croix-Rouge devaient servir à collecter des fonds.

Carnet de timbres Croix-Rouge Française de l'Hôpital auxiliaire 73 Champion Smith de Nogent sur Marne, 1916 Fonds D. Codevelle
Carnet de timbres Croix-Rouge Française de l'Hôpital auxiliaire 73 Champion Smith de Nogent sur Marne, 1916 Fonds D. Codevelle

Les timbres de la Croix-Rouge laissent voir le bâtiment.

Les propriétés de Madame Champion Smith et de sa soeur à Nogent sont devenues aujourd'hui la Maison d'Art Anthonioz et la Maison nationale des Artistes.

La présence militaire : la Route Stratégique et les redoutes

Fontenay-sous-Bois. Route stratégique. L' allée des Amoureux, carte postale sans date.
Fontenay-sous-Bois. Route stratégique. L' allée des Amoureux, carte postale sans date.

En 1914, l'histoire militaire de Fontenay-sous-Bois est fortement liée à celle de Paris.

Les autorités civiles et militaires ne veulent plus revivre l'invasion de Paris par les prussiens et les russes de 1814 et de 1815. 

Les troupes ennemies étaient passées par Romainville et Pantin. Il faut donc défendre la capitale contre une invasion venant de l'Est. 

Les généraux s'appuient sur l'expérience des guerres d'Empire. Une querelle naît entre les partisans d'une nouvelle enceinte de type Vauban pour la capitale et ceux qui préféraient les forts bastionnés. 

De 1831 à 1833, le général Valazé effectue des travaux de défense sans un véritable plan d'ensemble. Les travaux sont estimés à 35 millions de francs en 1833. 

Une route militaire est donc construite sur le territoire de Fontenay en 1831. Dans un premier temps, elle relie Nogent à Romainville. 

Achevée en 1845, elle se prolonge jusqu'au Mont Valérien.Elle longe la ligne de crête d'un plateau qui s'étire jusqu'à Belleville. Elle se situe au point culminant de Fontenay: 105 m. d'altitude. 

L'allée des amoureux, premier plan de la carte postale que nous vous présentons ici, débouche sur cette route militaire, dénommée Route Stratégique.

Route Stratégique à la rue du Fort, carte postale 1911.
Route Stratégique à la rue du Fort, carte postale 1911.

Pour la création de cette Route Stratégique, l'armée prend possession, dès le mois de mai 1831, de 6,83 hectares de terres en grande partie ensemencées.

Les 150 fontenaysiens concernés n'ont pas protesté même si les formes administratives de dépossession n'ont pas respecté la forme prescrite par la loi.

Par contre, ils se plaignent des lenteurs administratives car 10 mois plus tard, ils n'ont toujours pas reçu d'indemnités. 

La carte postale montre bien la route et les terres de cultures traversées de chemins ruraux. 

La rue du Fort devient en 1945 la rue Louis-Xavier-de-Ricard. 

Les zouaves départ en marche, carte postale 1908.
Les zouaves départ en marche, carte postale 1908.

La présence militaire sur le territoire de fontenay est ancienne. 

En témoigne cette carte postale où les zouaves défilent sur la Route Stratégique.  

Leur marche est ouverte par des officiers à cheval. Les zouaves sont des unités de l'armée française d'infanterie légère. 

Nogent-Fontenay - La Redoute, carte postale 1906.
Nogent-Fontenay - La Redoute, carte postale 1906.

Une redoute est un petit ouvrage de fortification isolé. 

Celle de Fontenay est construite en 1833, soit 2 ans après la création de la Route Stratégique. 

Elle est flanquée d'un fortin, à l'emplacement du Fort de Nogent actuel.

En juillet 1833 le gouvernement français limite les travaux de fortification autour de Paris faute de budget adopté par les députés.

La redoute, présente sur cette carte postale, s'étend sur 2,81 hectares. Elle est recouverte de terre et une partie est maçonnée. Elle forme avec d'autres ouvrages de ce type une "position armée" qui servaient, en temps de guerre, à approvisionner des troupes en retraite, sans rentrer dans Paris. 

Ces troupes devaient retourner combattre tout en étant couvert par l'artillerie des redoutes.

La fanfare du 5ème bataillon du 1er régiment de Zouaves, cantonné au Fort de Nogent pose pour la photo. 

Encore aujourd'hui un quartier de la ville a gardé le nom de cet ouvrage militaire. 

La présence militaire : Camp et Fort de Nogent

Extrait de la carte du département de la Seine, environs de Paris, dressée par Alexis Donnet, ingénieur, 1841.
Extrait de la carte du département de la Seine, environs de Paris, dressée par Alexis Donnet, ingénieur, 1841.

Le Fort de Nogent est le fruit de l'adoption d'une loi soutenue par le député Adolphe Thiers (1797-1877) le 3 avril 1841, la « Loi tendant à ouvrir un crédit de 140 millions de francs pour les fortifications de Paris ». 

Une enceinte fortifiée, de 38 km de long, appelée "enceinte de Thiers", est construite sur la première ligne de hauteurs autour de Paris. 16 forts, 11 redoutes et la "Double-couronne du Nord" à Saint-Denis complètent le dispositif de défense. 

Les forts sont situés entre 3 et 6 kilomètres de Paris et forment la 1ère ceinture de forts. 

Le fort de Nogent ainsi que ceux de Romainville, Noisy-le-Sec, Rosny, sont placés en partie sur les ouvrages de 1831 (voir les commentaires sur la carte postale "Route Stratégique, allée des amoureux").

Vue du Fort de Nogent, carte postale.
Vue du Fort de Nogent, carte postale.

Les travaux de construction du Fort de Nogent sont conduits par le général Dode de la Brunerie, nommé directeur des fortifications de Paris.

Ils commencent avant l'adoption de la loi du 3 avril 1841. Dès mars, des camps baraqués sont installés à Fontenay. Ils accueillent jusqu'en 1843, les ouvriers, pour la plupart des maçons venus du centre de la France, au chômage depuis les crises économiques des années 1828-1832 et 1839-1840. 

Ils sont aidés par les soldats des 1er et 3ème bataillons du 5e régiment léger. Leur présence, pendant les travaux, ont pour but d'éviter la formation d'organisations ouvrières. 

Le fort de Nogent, la redoute et les zones de servitudes militaires attenantes soustraient au territoire agricole de Fontenay près de 50 ha. de terres sur les 766. ha. totaux de la ville.

Les deux ouvrages militaires contrôlent la vallée de la Marne dans un rayon de 10 km. 

Sur cette carte postale, la zone extérieure au fort est constituée de fossés et d'un glacis où aucune construction en hauteur n'est possible. Aujourd'hui Les fossés sont comblés et le glacis couvert de logements militaires et d'installations sportives.

Pendant des années les élus et les habitants fontenaysiens protestèrent auprès des autorités centrales et militaires pour que le fort reçoive le nom de fort de Fontenay car situé aux deux tiers sur son territoire. Rien n'y fera. Il garde le nom de fort de Nogent car il défend la position militaire de Nogent-sur-Marne. 

Plan d'aménagement de la zone du Fort de Nogent, 1933.
Plan d'aménagement de la zone du Fort de Nogent, 1933.

La guerre de 1914-1918 prouve à nouveau l'inutilité des installations militaires à Fontenay et plus généralement autour de Paris.

Déjà la guerre franco-allemande de 1870-1871 avait démontré que les belligérants n'avaient pas rencontré d'obstacle majeur à leurs tirs d'artillerie lourde. 

En effet, le Fort de Nogent est inondé d'obus allemands à partir de décembre 1870. Il reçoit près de 1200 obus par jour.

Malgré une riposte de quelques semaines, il se rend le 29 janvier 1871. L'armée allemande l'occupe.

En septembre 1914, les allemands sont arrêtés à une cinquantaine kilomètres de Paris et les canons du fort n'empêchent pas les bombardements terrestres et aériens sur Fontenay 1917 et en 1918.

La loi du 14 août 1926 déclasse les ouvrages militaires de la 2ème ligne de Paris. 

Le fort de Nogent est concerné. Il reste un lieu de casernement et de stockage de matériel de guerre mais la zone de servitude disparait. La municipalité l'urbanise. 

Le plan d'aménagement de la zone du fort de 1933 prévoit la création de voies, une zone résidentielle et des espaces pour les édifices ou les services publics. Les fontenaysiens récupèrent 36 ha. 

Fort de Nogent (S.-et-M.). Entrée du fort, carte postale 1936.
Fort de Nogent (S.-et-M.). Entrée du fort, carte postale 1936.

Le Fort de Nogent est un carré bastionné de type Vauban de 200 mètres de côté extérieur.

L'entrée se fait avec un pont-levis de type Poncelet (les chaînes font contrepoids au tablier). Il enjambe des fossés. Il se manoeuvrait par un jeu de roues de diamètres différents afin de démultiplier l'effort nécessaire à son mouvement.

La porte d'entrée est défendue par des créneaux de tir pratiqués de part et d'autre dans le mur d'escarpe. 

La carte postale présentée ici est écrite en 1936 par la gardien du fort. 

Photographie de l'entrée du Fort de Nogent, sans date.
Photographie de l'entrée du Fort de Nogent, sans date.

Aujourd'hui le fort de Nogent appartient toujours à la Défense Nationale et sert, depuis 1962, de recrutement pour la Légion Etrangère. 

Cette dernière l'entretient et il n'a pas subi d'altération majeure ni souffert de constructions parasites comme ses homologues du secteur Sud.

L'entrée est décorée du symbole de la grenade à 7 flammes de la Légion. En arrière-plan sa devise : "Legio Patria Nostra" qui signifie "La légion notre patrie".

La présence militaire: les zouaves et le 12e régiment d'artillerie

Zouaves au fort de Nogent, carte postale 1907.
Zouaves au fort de Nogent, carte postale 1907.

Les zouaves se font photographier avec leur armement et leur paquetage.

C'est une unité française d'infanterie légère de l'armée d'Afrique. Ils existent depuis 1830.

Ceux cantonnés au fort de Nogent sont du 1er régiment de zouave, 5ème bataillon. C'est le "petit dépôt" ou les "zouaves de Paris". Ils sont formés de tribus berbères et de parisiens.

Ils sont présents au fort de Nogent quand la guerre est déclarée en août 1914. Ils forment avec d'autres bataillons et le 11e de réserve le régiment de marche 1er zouaves ou "RMZ".

Le 1er Zouave participe à de nombreuses batailles: Charleroi, Ypres, Verdun, De la Marne ... Le 1er zouaves a 64 officiers tués durant la Première Guerre mondiale et obtient 6000 citations. 

Groupe de soldats du 12ème régiment d'artillerie. Fonds D. Codevelle.
Groupe de soldats du 12ème régiment d'artillerie. Fonds D. Codevelle.

Les soldats du 12e régiment d'artillerie sont cantonnés au Fort de Nogent en attendant d'être affecté au front. 

Les militaires présents sur cette carte postale sont de la classe 1916, c'est à dire qu'ils sont nés en 1896. 

La présence militaire: le camp retranché de Paris et les ouvrages "du moment"

Extrait du magazine La guerre documentée, n°2, 1914-1915. Fonds Erard.
Extrait du magazine La guerre documentée, n°2, 1914-1915. Fonds Erard.

Le fort de Nogent connaît le baptême du feu pendant la guerre de 1870-1871 contre les prussiens. Il n'a pas résisté à la puissance de feu de l'artillerie ennemie.

Un nouveau plan de fortification, englobant le système précédent, a été mis en oeuvre par le général Séré de Rivières de 1874 à 1882. 

18 nouveaux forts ainsi que 5 redoutes et 24 batteries sont construits à environ une douzaine de kilomètres de Paris. Ainsi est né ce qu'on appelle le Camp retranché de Paris. 

Mais dès l'année 1885 des expériences de tir réel des canons chargés de mélinite révèlent qu'en cas de guerre ces forts "dernière génération" ne résisteront pas plus que l'enceinte de Thiers. 

Entre 1911 et 1913 les prussiens modernisent leur armement ce qui justifie l'élaboration de nouveaux plans de défense de Paris. En cas d'attaque ennemie, des ouvrages "du moment" sont prévus à une trentaine de kilomètres à l'Est, au Nord et au Sud-Est de Paris. 

il s'agit de centres de résistance et de positons d'infanterie. 

Dès le 3 août 1914, les travaux d'aménagement commencent: 350 km de tranchées, une centaine d'abris pour l'infanterie, un réseau de fil de fer, des mitrailleuses et batteries pour 4 à 6 canons, des dépôts de munitions. Le tout est relié par d'étroites voies ferrées qui seront achevées en 1915. 

210 000 soldats des régiments de la réserve de l'armée territoriale appelés aussi les "pépères" car âgés de plus de 40 ans et 46 000 civils construisent ces ouvrages. 

La photographie, extraite du magazine La Guerre documentée, nous montre bien ces travaux de dernières minutes. Ils prennent du retard et le général Gallieni est appelé en renfort pour les activer. 

Guerre 1914-1915 Rue de la Planche. carte postale sans date
Guerre 1914-1915 Rue de la Planche. carte postale sans date

Fontenay-sous-Bois intègre le Camp retranché de Paris. En effet, sur son territoire, le Fort de Nogent est chargé de défendre la capitale en cas d'attaque allemande à l'Est, vers la vallée de la Marne, en passant par Nogent-sur-Marne.

L'Etat-major militaire décide des démolitions des étages des maisons situées dans la zone de tir d'artillerie du Fort. Cette mesure est préventive. 

Les pierres qui jonchent ici les trottoirs de la rue de la Planche ne sont donc pas le résultat de travaux de voirie mais bien d'un ordre militaire de démolition. 

Les archives ne précisent pas si ce sont les habitants eux-mêmes qui ont effectué ces démolitions ou des soldats. 

Guerre de 1914-1915. rue de Neuilly, carte postale sans date
Guerre de 1914-1915. rue de Neuilly, carte postale sans date

La rue de Neuilly subit le même sort que la rue de la Planche. Pour ne pas gêner les tirs d'artillerie du fort de Nogent, l'armée ordonne la démolition des étages des maisons. 

Les habitants ne peuvent s'opposer à cette décision. Les pierres sont entassées sur les trottoirs en prévision de la reconstruction, après-guerre. 

Au début du mois de septembre 1914, ce choix semble être le bon car la 1ère bataille de la Marne voit les allemands mettre un pied en Ile-de-France, à moins de 50 km. de Paris. 

A la mi-septembre la menace allemande est écartée et rapidement les soldats quittent les tranchées du Camp retranché de Paris pour rejoindre le front de l'Est où une guerre de position s'installe. Les gouverneurs de Paris vont peu à peu désarmer les ouvrages du Camp et envoyer leurs pièces d'artillerie au front. 

Personne ne sait à ce moment-là que les mesures prises dans le cadre du fort de Nogent et du Camp retranché de Paris ne serviront plus à rien. Mais l'état des maisons démolies restent ainsi jusqu'en 1918.

Rephotographie de la rue de Neuilly, 2014
Rephotographie de la rue de Neuilly, 2014

Grâce à une application numérique, une photo ancienne a été superposée sur une photo actuelle de la rue (partie en couleurs). L'effet du "avant-après" est très parlant. 

On peut mieux apprécier les transformations de cette rue à 100 ans d'intervalle. 

Dossiers d'indemnisation, 1921. Archives départementales du Val-de-Marne.
Dossiers d'indemnisation, 1921. Archives départementales du Val-de-Marne.

La guerre finie, Fontenay compte ses morts, organise leur hommage et demande une indemnisation pour les dégâts militaires. 

Henri Epaulard, domicilié au 34, rue Mauconseil, possédait avant le déclenchement du conflit, des vergers au 14 et 16 rue de la Planche, près de la route Stratégique. Elles étaient donc situées dans la zone du fort de Nogent et préventivement les autorités militaires ont demandé à M. Epaulard de couper ses arbres fruitiers en 1914. L'artillerie du fort ne devait pas rencontrer d'obstacle dans leur angle de tir. 

En 1921, ce propriétaire et bien d'autres ont constitué des dossiers de demandes d'indemnisation. Nous vous présentons ici la page de couverture.

Dossier de demande d'indemnité, 1921. Archives départementales du Val-de-Marne.
Dossier de demande d'indemnité, 1921. Archives départementales du Val-de-Marne.

Au déclenchement de la guerre, Fontenay est encore une bourgade tournée vers la culture fruitière et les vergers. Il n'y a pas de terres labourables car la propriété est trop morcelée et ne permet pas l'usage de la charrue. La culture de la vigne est devenue pratiquement inexistante. 

Les restrictions militaires font diminuer le nombre d'animaux de ferme. L'effectif le plus faible de l'année 1914 est de 134 vaches. 

Sur ordre militaire, M. Epaulard a dû couper 34 pêchers et 23 poiriers en plein rapport car ils se trouvaient dans la zone du fort. Ils pouvaient gêner les tirs d'artillerie du fort de Nogent. 

En 1921 M. Epaulard constitue un dossier de demande d'indemnisation. En voici la transcription:

"NOMENCLATURE DES PIECES PRODUITES A L'APPUI DE LA DEMANDE.

1° Route stratégique dans le jardin attenant de la propriété du n°14 et n°16 de la rue de la Planche un carré de culture fruitière de trente-quatre pêchers en plein rapport formé en vase qui ont été sapé à 0,40 de terre et par conséquent bon à arracher, estimé cent-soixante-seize francs (176)

2° vingt-trois poiriers, palmettes également en plein rapport, doyenne d'hiver en espalier a un mur en planche qui a été également enlevé, rabattu à 0,60 de terre, estimé quarante-six francs (46)"

Hommages aux soldats morts

Extrait du Livre d'or pour la commune de Fontenay-sous-Bois (Seine), 1929 Archives Nationales, cote 19860711/1 à 594
Extrait du Livre d'or pour la commune de Fontenay-sous-Bois (Seine), 1929 Archives Nationales, cote 19860711/1 à 594

Au sortir de la guerre, la loi du 25 octobre 1919 institue le livre d'or pour référencer les morts de la guerre.

L'Etat avait l'idée d'un livre d'or à déposer au Panthéon ; ce projet ne verra pas le jour.

C'est le Ministère des pensions qui est chargé de l'établir, commune par commune.

Extrait du Livre d'or pour la commune de Fontenay-sous-Bois (Seine), 1929 Archives Nationales, cote 19860711/1 à 594
Extrait du Livre d'or pour la commune de Fontenay-sous-Bois (Seine), 1929 Archives Nationales, cote 19860711/1 à 594

Le document, ici présenté, est un exemplaire envoyé au Maire de Fontenay pour vérification. On y remarque des annotations. Certains noms sont rayés car il n'y avait pas en 1929 d'acte ou de transcription de décès à l'Etat civil de la commune pour ce soldat.

Ces listes par département (260 882 pages), conservées aux Archives nationales, ont été numérisées et sont consultables en ligne.

Tableau commémoratif des Fontenaisiens morts pour la Patrie 1914-1917, 1917
Tableau commémoratif des Fontenaisiens morts pour la Patrie 1914-1917, 1917

Ce tableau a été confié aux Archives municipales de Fontenay-sous-Bois par l'association des Anciens combattants de Fontenay.

La liste des soldats morts est établie à la plume sur deux feuilles de papier punaisées sur un tissus brodé.

Détail du Tableau commémoratif des Fontenaisiens morts pour la Patrie 1914-1917
Détail du Tableau commémoratif des Fontenaisiens morts pour la Patrie 1914-1917

La liste alphabétique mentionne pour chaque soldat, son nom et son prénom, son grade et son régiments, la date de sa mort et son adresse fontenaysienne.

Cette liste recense 506 soldats. 

Détail du Tableau commémoratif des Fontenaisiens morts pour la Patrie 1914-1917
Détail du Tableau commémoratif des Fontenaisiens morts pour la Patrie 1914-1917

Dans le détail supérieur du tableau, on remarque que les dates prises en compte sont 1914-1917.

Le tableau est réalisé avant la fin du conflit et la liste n'est donc pas complète.

Le décor végétal brodé représente des lauriers, symbole de gloire.

Détail du Tableau commémoratif des Fontenaisiens morts pour la Patrie 1914-1917.
Détail du Tableau commémoratif des Fontenaisiens morts pour la Patrie 1914-1917.

Dans la partie inférieure, les motifs de la broderie sont :

  • les feuilles et fruits du chêne, symbole de force
  • les feuilles et fruits du houx, symbole d'attachement

En pendentif, est représentée la croix de guerre 1914-1918, croix à quatre branches et deux épées croisées, créée en 1915 par le sculpteur Paul-Albert Bartholomé.

Les citations étaient octroyées par le commandement militaire pour conduite exceptionnelle, à des soldats, à des civils mais aussi à des unités ou à des communes. Le nombre exact de titulaires de cette croix de guerre n'est pas connu.

Extrait du Bulletin paroissial "Le clocher", mai 1916 Fonds D. Codevelle
Extrait du Bulletin paroissial "Le clocher", mai 1916 Fonds D. Codevelle

Dans la publication paroissiale "Le Clocher", la liste des morts était insérée régulièrement au fil des mois. Il s'agit certainement des seuls paroissiens.

La dernière liste parait dans l'édition du mois de mai 1916. Encore une liste incomplète.

Extrait du Bulletin paroissial "Le clocher", mai 1916 Fonds D. Codevelle
Extrait du Bulletin paroissial "Le clocher", mai 1916 Fonds D. Codevelle

Cette liste recense 175 noms de paroissiens.

Vous pouvez retrouver l'intégralité du "Clocher"  

Livret d'hommage du patronage Jeanne d'Arc aux Morts pour la France, sans date Fonds D. Codevelle
Livret d'hommage du patronage Jeanne d'Arc aux Morts pour la France, sans date Fonds D. Codevelle

 Le Patronage Jeanne d'Arc a édité ce document en hommage à leurs membres morts à la guerre.

Cette liste est aussi présente sur une plaque de marbre gravée, déposée à l'église.

Affichette, (Annonce de la souscription pour l'érection d'un monument aux morts de la guerre), 1921
Affichette, (Annonce de la souscription pour l'érection d'un monument aux morts de la guerre), 1921

C'est en 1921 que la commune de Fontenay lance une souscription pour ériger "un monument aux morts de la guerre".

Des quêtes sont organisées.

Extrait du livre de comptes des recettes, 1921
Extrait du livre de comptes des recettes, 1921

Les sommes collectées dans le cadre de la souscription pour "l'érection d'un monument aux morts de la guerre" sont inscrites en recette non prévues dans les livres de comptes.

Le monument sera commandé dès cette même année 1921 au sculpteur Paul Roussel, prix de Rome en 1895.

Le Monument (œuvre de Mr Roussel), carte postale sans date
Le Monument (œuvre de Mr Roussel), carte postale sans date

Le Monument de Paul Roussel est placé dans le cimetière, point culminant de Fontenay. 

Il est inauguré le 6 juillet 1924 dans le carré militaire.

le monument sera nommé la Pleureuse

Le journal "La Gazette de l'Est" le décrit ainsi : "... En plein azur, en plein soleil, dominant un panorama splendide, immense, il se détache tout blanc au milieu d'une pieuse et émouvante couronne de tombes et de croix parées de cocardes et de drapeaux. Ensemble d'une magnifique harmonie ! d'une inspiration heureuse ! Monument d'une beauté sobre et impressionnante qui exprime bien toute la grandeur du pieux souvenir ! Sous les traits d'une veuve volée de crêpe, "Fontenay" pleure ses enfants morts au champ d'honneur et les glorifie en même temps en jetant des fleurs sur leurs noms gravés sur le large socle qui s'étale à ses pieds..."

En 1962, le monument et le carré militaire sont déplacés lors d'un agrandissment du cimetière. Le coussin de lauriers, le socle et la clôture disparaissent.

Les inhumations

Télégramme, Sous-intendant militaire transport à Maire de Fontenay-sous-Bois, [1921]
Télégramme, Sous-intendant militaire transport à Maire de Fontenay-sous-Bois, [1921]

En France, les soldats morts à la guerre étaient traditionnellement inhumés dans des fosses communes.

Dès les premiers combats de 1914, les soldats se soucient de l'individualité du soldat. Des tombes individuelles sont creusées sur les champs de batailles dans des cimetières militaires dits "de guerre". 

Les tombes collectives sont réservées aux corps mélangés.

Cette pratique est enterrinée par la loi du 29 décembre 1915.

Dans les années 20, l'Etat souhaite voir les terres couvertes de tombes entre la mer du Nord et l'Alsace et décide de la création de nécropoles nationales et d'ossuaires. On dénombre jusqu'à 265 nécropoles nationales.

Pour autant, les familles souhaitent parfois récupérer leur(s) mort(s). 

L'Etat s'engage à prendre en charge les exhumations et le transport des corps par voie ferroviaire organisé par le Service des sépultures du Ministère des pensions.

Ce sont les Maires qui organisaient l'accueil des cercueils dans les gares et l'inhumation dans les cimetières communaux au sein des carrés militaires ou dans le cimetière selon la volonté de la famille.

Extrait du registre des délibérations du conseil municipal, 1914
Extrait du registre des délibérations du conseil municipal, 1914

A Fontenay, le Conseil municipal n'attend pas les années 20 pour aider les familles à inhumer leurs défunts dans le cimetière communal.

Ici est présentée une délibération du Conseil, datée du 3 décembre 1914 pour "permettre aux familles nécessiteuses qui désireraient faire revenir le corps d'un de leurs dans le cimetière de Fontenay [qui] adopte les dispositions suivantes : on donnerait à choisir aux familles entre une concession gratuite de dix ans ou une somme pour frais funéraires..."

Extrait du registre des délibérations du conseil municipal, 3 décembre 1914
Extrait du registre des délibérations du conseil municipal, 3 décembre 1914

A Fontenay, le Conseil municipal n'attend pas les années 20 pour aider les familles à inhumer leurs défunts dans le cimetière communal.

Lettre - Maison Couteux - Charles Nicolas, 1921
Lettre - Maison Couteux - Charles Nicolas, 1921

Ici une lettre au Maire, attestant d'une solidarité avec les familles.

Hommage aux soldats morts : le mémorial numérique
Hommage aux soldats morts : le mémorial numérique

L'absence d'une liste complète des soldats morts pour la France pendant le conflit de 1914-1918, a conduit la Ville de Fontenay-sous-Bois à décider de la création d'un Mémorial numérique.

C'est en novembre 2017 que ce Mémorial numérique de la guerre de 14-18 est inauguré avec une liste de 621 soldats nés ou habitant à Fontenay-sous-Bois à leur départ à la guerre. 

En 2018, deux nouveaux noms ont été ajoutés suite à des recoupements de documents d'archives.

Pour ce faire, toutes les listes présentées précédemment ont été vérifiées, recoupées, complétées par le Service municipal des Archives.

Quelques chiffres : sur ces 623 poilus,

  • 148 sont morts dans les 4 premiers mois du conflit
  • 23 sont morts après la guerre des suites de leurs blessures ou de maladie
  • 372 ont été "tués à l'ennemi" selon l'expression des autorités militaires
  • 14 n'avaient que 18 ans

Une recherche est possible selon des critères proposés dans la marge et la visualisation des résultats est soit cartographiée, soit sous forme de liste nominative ou de documents :

Mémorial 1914-1918

La place et le rôle de l'Eglise

Le Clocher, octobre 1914. Fonds D. Codevelle.
Le Clocher, octobre 1914. Fonds D. Codevelle.

Au lendemain de la déclaration de guerre de l'Allemagne à la France, le Président de la République Française, Raymond Poincarré prononce un discours qui aura une répercussion importante au sein de l'Eglise catholique de France.

Il appelle à l’Union sacrée à la chambre et au Sénat qui vote les crédits de guerre à l’unanimité.

Cet appel sera repris le lendemain et les jours suivants dans le journal La Croix.

Ce fait marque la fin des débats qui perdurent depuis 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat. L'Union sacrée devient une réalité qui va se traduire par la mobilisation dès 1914 de 25 000 prêtres et séminaristes. 

En septembre 1914, la victoire de la première bataille de la Marne est considérée par les catholiques comme un signe de Dieu approuvant l'Union sacrée.

Cet état d'esprit se reflète dans le journal paroissial fontenaysien Le Clocher.

Le champ lexical de l'éditorial du Curé A. Gondré reprend des termes très utilisés au début de la guerre: "une famille bien unie", la fermeté de la nation", "notre chère patrie" ...

Retrouvez les autres numéros de ce journal paroissial dans les archives de la guerre.  

Journal Le Clocher, octobre 1914. Fonds D. Codevelle.
Journal Le Clocher, octobre 1914. Fonds D. Codevelle.

Pendant les premières années de la guerre, le journal paroissial Le clocher va servir de lien entre le front et les civils restés à l'arrière. Il donne des nouvelles des paroissiens engagés dans le conflit, prisonniers, blessés et convalescents.

La communauté catholique fontenaysienne met en place un mouvement de solidarité. En octobre 1914, nous apprenons dans ce numéro du Clocher qu'une infirmerie militaire est établie au Patronage au 8 de la rue du Châtelet (rue Charles-Bassée actuelle).

Dès le début de la guerre de nombreux blessés vont affluer dans les hôpitaux militaires. Ces derniers ne pourront répondre à la demande de soins et vont créer les hôpitaux complémentaires et auxiliaires. 

Le patronage, organisation catholique encadrant la jeunesse paroissiale, créé donc son infirmerie. Un appel charitable est fait à travers le journal pour un prêt de couvertures pour cette infirmerie. 

Cette entraide paroissiale se fait aussi à travers une autre organisation catholique, l'Oeuvre du vestiaire. Elle permet de donner des travaux de couture aux femmes de mobilisés qui n'ont plus le salaire de leur mari et leur assurer ainsi un revenu. Ces vêtements confectionnés sont à leur tour donnés aux plus nécessiteux de la paroisse.

Le clocher, octobre 1914. Fonds D. Codevelle
Le clocher, octobre 1914. Fonds D. Codevelle

Le journal paroissial Le Clocher laisse une place importante au Patronage Jeanne d'Arc. Celui-ci encadre les jeunes de la paroisse dans des activités sportives (gymnastique, football, ...), culturelles (sorties, conférences, ...) et religieuses.

L'abbé L. Guerrée en est le directeur. 

Le patronage donne des nouvelles des jeunes mobilisés fontenaysiens. Dès le 2 août, ils sont les premiers à entrer dans cette guerre. Ils font partie des unités d'actives de l'armée française. Ils sont rejoints par les volontaires puis très vite par les réservistes.

La page du clocher réservé au patronage nous apprend que dix jeunes sont déjà sur le champ de bataille. 

Quatre sont blessés. Ils font partie des classes 1911 à 1913. Ils sont donc âgés de 21 à 23 ans. La classe 1914 se prépare déjà à monter sur le front. 

Tout au long de cette guerre ce journal tient "les comptes". Tous ne reviennent pas vivants.

Le clocher arrête sa publication en juillet 1916. 

Le courrier du patronage prend le relais et couvre toutes les années de guerre. 

Photographie de l'abbé Sylvestre, sans date. Mémorial gen web, Ludovic PETIT. Photographie sous licence d'usage CC BY-NC-SA 2.0.
Photographie de l'abbé Sylvestre, sans date. Mémorial gen web, Ludovic PETIT. Photographie sous licence d'usage CC BY-NC-SA 2.0.

L'abbé Sylvestre, ici en photo, a son nom gravé en haut de la liste des morts sur le champ d'honneur de 14-18 qui se trouve dans la chapelle du souvenir de l'église Saint-Germain.

On retrouve également ses écrits dans le bulletin paroissial le clocher. La rédaction publie ses lettres, poèmes et paroles de chants. Il est également un correspondant de guerre pour la paroisse. Il s'engage comme volontaire dès le début du conflit. Il a alors 55 ans. Il rejoint le 31e corps d'armée des brancardiers comme aumônier militaire.

Il est originaire d'un village de l'Aude, Chalabre où les Frères lui enseignent le latin. Au Petit séminaire de Carcassonne, il obtient son baccalauréat et entre dans les ordres. Il y enseigne pendant plus de vingt ans l'allemand, le français, l'espagnol et l'histoire.

Sa santé est mauvaise et il "monte" à Paris pour bénéficier de soins plus appropriés.

Il est d'abord vicaire au Pré-Saint-Gervais où il exerce auprès d'une population ouvrière. Ensuite il va à Courbevoie puis à Saint-Charles-de-Montceau.

Enfin il arrive à Fontenay pour seconder le curé Gondré. 

D'un caractère vif, ses débuts sont difficiles. Il lui faut du temps pour se faire accepter des paroissiens fontenaysiens.

En juin 1916, il est ramené du front épuisé par les conditions de guerre et sa maladie. Il est hospitalisé à l'hôpital temporaire de Revigny puis à Paris où il décède le 4 juillet 1916. Il a 56 ans. Il est décoré de la croix de guerre et proposé à la Légion d'honneur.

Photographie de l'autel en hommage aux morts de 1914-1918, 2018.
Photographie de l'autel en hommage aux morts de 1914-1918, 2018.

A l'église Saint-Germain l'Auxerrois, dans la chapelle du souvenir, se tient un autel en marbre blanc où sont gravés le nom des soldats tombés sur le champ d'honneur.

Il encadre un vitrail commémoratif de la première guerre mondiale. 

Le curé annonce le projet de cet autel dans le dernier numéro du Clocher, en juillet 1916. Il vient d'apprendre la mort du vicaire, l'abbé Sylvestre, aumônier militaire et promet que son nom sera en tête de la liste. Promesse tenue. 

Répartis sur 4 colonnes, on trouve le nom de 255 paroissiens. Pendant longtemps on a considéré ce chiffre comme le total des fontenaysiens morts sur le champ de bataille. Aujourd'hui grâce aux recherches historiques, ce chiffre est largement dépassé.

En 2018, le service des archives municipales a recensé 623 victimes de cette guerre pour une population totale en 1914 de 15 192 habitants, soit 4.1 %. 

Ce chiffre est légèrement supérieur à la moyenne nationale qui est de 3.6 %. 

Photographie du vitrail commémoration de la guerre 1914-1918, 2018.
Photographie du vitrail commémoration de la guerre 1914-1918, 2018.

Ce vitrail se trouve dans la chapelle du souvenir dans l'église Saint-Germain l'Auxerrois. Il a été réalisé après le conflit. 

C'est un hommage aux soldats français disparus lors de la Grande guerre.

Le décor et les personnages renvoient à de nombreux symboles. 

L'encadrement de la scène est d'inspiration néo-gothique. Il fait référence à la Sainte-Chapelle à Paris et à la longue tradition catholique de la France. Ses fervents fidèles entendent rappeler que l'Eglise de France est la "fille aînée de l'Eglise".

Photographie d'une partie du vitrail commémoratif de la guerre 1914-1918, 2018.
Photographie d'une partie du vitrail commémoratif de la guerre 1914-1918, 2018.

Le caractère guerrier de la scène est très présent. Il se retrouve jusque dans la figure divine.

C'est en effet Dieu le père, le Dieu guerrier de l'Ancien testament qui trône au sommet du vitrail. 

Il a les bras tendus en signe de bénédiction et ce sont les soldats qu'Il bénit.

Sous lui se trouve l'Esprit Saint représenté par une colombe entourée de rayons dorés solaires. 

Photographie d'une partie du vitrail commémoratif de la guerre 1914-1918, 2018.
Photographie d'une partie du vitrail commémoratif de la guerre 1914-1918, 2018.

L'image du Christ n'est présente, au centre de la scène, que de façon réduite, sur un crucifix doré et posé sur l'autel.

Le Christ est également présent dans l'hostie que le prêtre consacre.

Photographie d'une partie du vitrail commémoratif de la guerre 1914-1918, 2018.
Photographie d'une partie du vitrail commémoratif de la guerre 1914-1918, 2018.

Le servant de messe est un soldat en uniforme bleu horizon qui a équipé les troupes à partir de la fin de l’année 1914 et début 1915.

Le moment représenté est celui de la consécration

Moment solennel, pendant l’élévation, le servant soulève délicatement le fond de la chasuble du prête qu’il remonte légèrement en sonnant trois coups.

Photographie d'une partie du vitrail commémoratif de la guerre, 2018.
Photographie d'une partie du vitrail commémoratif de la guerre, 2018.

Le poilu, servant de messe, porte à la ceinture le fourreau une baïonnette modèle Rosalie.

A sa droite, son casque de modèle Adrian (mis en service en 1915) est posé au sol.

Photographie d'une partie du vitrail commémoratif de la guerre 1914-1918, 2018.
Photographie d'une partie du vitrail commémoratif de la guerre 1914-1918, 2018.

A droite un deuxième soldat, un genou à terre, est en oraison. Il est sur un nuage adossé à un archange, ses yeux sont mi-clos.

Il porte sur son col le chiffre 42, référence au 42e régiment d’infanterie basé à Belfort en 1914. Ce régiment est symbolique pour l’armée.

Les soldats du 42e viennent, en grande majorité, ainsi que les officiers de commandement, de Nancy et des cantons Est et Nord, territoire Allemand depuis 1871.

Ce régiment a participé aux grandes batailles de la guerre :

- Alsace et Aisne en 1914

- Soissons en 1915

- Somme en 1916

- Verdun en 1916 et 1917

- Chemin des Dames en 1917 et 1918

Ces soldats ont une réputation de vaillance, de foi et de discipline. 

Le numéro 42 est donc un symbole utilisé pour rappeler la bravoure de tous ceux qui sont morts au combat de façon exemplaire pour sauver la Nation. 

Le soldat du vitrail représente l’ensemble des soldats tombés durant le conflit.

Photographie d'une partie du vitrail commémoratif de la guerre 1914-1918, 2018.
Photographie d'une partie du vitrail commémoratif de la guerre 1914-1918, 2018.

En symétrie, au soldat agenouillé, à gauche du vitrail, la figure de Marie, mère de Jésus, couronnée, en génuflexion regarde vers Dieu. Habituellement elle est vêtue d'un manteau ou d'une robe bleus. 

Ici les couleurs de ses vêtements symbolisent les couleurs de la Nation: Bleu et rouge pour le manteau, le blanc pour la robe.

Photographie d'une partie du vitrail commémoratif de la guerre 1914-1918, 2018.
Photographie d'une partie du vitrail commémoratif de la guerre 1914-1918, 2018.

En bas du vitrail, en tout, huit personnages sont pris dans les flammes. 

On pourrait penser à des damnés qui brûlent dans les flammes de l'enfer, mais plusieurs sont en prières comme celui de gauche juste à côté d’une femme éplorée alors qu’une autre se couvre la tête d’un voile en signe de deuil.

Il s’agit des victimes de la guerre. Le feu est dans ce cas purificateur. 

Photographie d'une partie du vitrail commémoratif de la guerre 1914-1918, 2018.
Photographie d'une partie du vitrail commémoratif de la guerre 1914-1918, 2018.

Photographie d'une plaque, 2018.
Photographie d'une plaque, 2018.

Plus loin, dans la chapelle Saint-Germain au pied de la statue de Jeanne d’Arc, deux plaques en marbre rappellent la guerre.

La plus grande prend la forme d’un ex-voto.

C’est un hommage et un remerciement à Sainte Jeanne d'Arc, patronne du patronage paroissial et protectrice de ses membres. C'est la liste des quarante noms des membres qui sont revenus vivants de cette guerre meurtrière. 

Photographie d'une plaque gravée, 2018.
Photographie d'une plaque gravée, 2018.

Plus loin, chapelle Saint-Germain au pied de la statue de Jeanne d’Arc, deux plaques en marbre blanc rappellent la guerre.

La plaque verticale porte les noms de 11 fontenaysiens, membres du « Cercle Jeanne d’Arc » morts au combat.

Elle est ornée d’une croix tréflée, surmontant deux drapeaux tricolores et une croix de guerre 14-18 avec palme.

Extrait du courrier du patronage, novembre-décembre 1916. Fonds D. Codevelle.
Extrait du courrier du patronage, novembre-décembre 1916. Fonds D. Codevelle.

Cet article manuscrit est extrait du Courrier du patronage des mois de novembre-décembre 1916.

C'est l'organe de presse du patronage Jeanne d'Arc, oeuvre catholique chargée d'encadrer et d'éduquer les jeunes.

On y rend compte des activités de l'association: le sport, les sorties, les jeux, les cérémonies religieuses ... Les nouvelles des jeunes soldats au front sont données également. 

Une rubrique est consacrée à la P. M. ou préparation militaire, organisée par le patronage. Elle est souvent accompagnée de dessins parfois humoristiques comme ici sur cet article. 

Après la défaite de 1870 contre les prussiens et dans un esprit de revanche, de nombreuses associations religieuses et laïques instruisent les jeunes au maniement des armes et au combat. 

Plus on avance dans la guerre plus les rubriques sportives du Courrier du patronage se réduisent. 

Celle sur la préparation militaire disparait complètement du journal en juin 1917.

Les Bombardements : se protéger

Nenette, sans date Fonds Hanse.
Nenette, sans date Fonds Hanse.

Cette petite figurine fétiche, nommée Nenette, faite de bouts de laine, a été créée par M. Francisque Poulbot.

Cousue dans un vêtement, elle devait protéger civils et militaires des bombes.

Un doc du mois y avait été consacré. Retrouvez l'article !

Nénette, Rintintin et Radadou porte bonheur, carte postale 1918
Nénette, Rintintin et Radadou porte bonheur, carte postale 1918

Nénette n'était pas seule pour protéger civils et soldats. 

Francisque Poulbot avait imaginé toute une famille.

Vue générale de la carrière et le Plateau, carte postale 1928
Vue générale de la carrière et le Plateau, carte postale 1928

 A Fontenay, en cas de bombardements aériens, les autorités municipales prévoyaient de donner l'alerte en faisant sonner les cloches, les tambours et les clairons.

Les carrières de plâtres et leurs galeries souterraines pouvaient servir d'abris.

Les Bombardements : l'aviation

 Avion école,  carte postale vers 1916 Fonds Erard
Avion école, carte postale vers 1916 Fonds Erard

La première guerre mondiale est réputée pour avoir été une guerre de tranchées, une guerre de position. 

Chaque camp va chercher à toucher l'ennemi au delà des tranchées en utilisant les bombardements longue portée ainsi que les bombardements aériens.

Au début de la guerre, les avions servaient surtout à la reconnaissance. 

La France dispose alors de 158 appareils. 

Les Prussiens disposent de Zeppelins pour effectuer leurs bombardements.

Les avions de chasse apparaissent en 1915 avec le système de synchronisation qui permettent aux mitrailleuses de tirer à travers l'hélice.

Correspondance, rue Saint-Vincent, la pension de famille carte postale sans date Fonds D. Codevelle
Correspondance, rue Saint-Vincent, la pension de famille carte postale sans date Fonds D. Codevelle

« Ma chère fille, je viens de recevoir ta carte et je m’empresse de te rassurer, nous nous portons très bien. Le taube lorsqu’il est passé sur notre jardin était délesté de ses engins de destruction. Nous avons pu le voir fuyant à tire d’ailes poursuivi par les avions et les canons du fort de Nogent qui tiraient dans sa direction. Les bombes que cet oiseau de malheur a fait tomber sur Fontenay heureusement sont tombées dans les champs vers le cimetière. Elles ont tué deux chevaux et mis le feu à un champ d’herbage. Si elles étaient tombées dans la ville peut être aurait-on eu des malheurs à déplorer. Je ne sais vraiment pas ce qu’ils ont pu essayer de détruire peut être la cartoucherie de Vincennes ou le pont de Mulhouse mais […] on peut dire qu’ils n’ont pas le compas dans l’œil. Le [temps] s’est sensiblement rafraichi ; nous sommes plus à l’aise mais on sent déjà l’automne venir. Continue a te bien porter et à t’amuser c’est mon plus cher désir Nous t’embrassons bien fort »

Les Taubes sont des monoplans biplace allemands créés en 1910. L'Etrich « Taube » fut adopté dès 1911 par l'aviation militaire italienne, en 1912 par les forces austro-hongroises et allemandes (Il fut ainsi le premier avion militaire allemand de série).

Extrait du journal illustré Le Miroir, octobre 1914 Fonds Lucas
Extrait du journal illustré Le Miroir, octobre 1914 Fonds Lucas

Surnommé "colombe" (Taube) en raison de la forme de ses ailes, l’Etrich Taube fut utilisé pour toutes les applications courantes de l’aviation militaire, de fin 1911 jusqu'au milieu de 1915 : chasse, bombardement, observation, et formation au pilotage jusqu'en 1918.

Verso de la carte postale, Fontenay-sous-Bois - la rue Notre-Dame, sans date Fonds D. Codevelle
Verso de la carte postale, Fontenay-sous-Bois - la rue Notre-Dame, sans date Fonds D. Codevelle

« Gennevilliers, le 16 mars 1919,
Cher cousin et cousines,
Je suis toujours en bonne santé que la présente vous trouvent tous de même.
Nous avons eu encore la visite des Gothas 2 fois depuis que je vous ai écrit ma batterie a tiré 439 obus la première et 440 la deuxième. Nous avons réussi à faire faire demi-tour à quelques-uns malgré que l’on tir sans rien voir.
Hier il y a eu une terrible explosion, ça nous a surpris, je pensais que c’était les Gothas. La secousse a été si forte qu’il y beaucoup de glace de cassées à Gennevilliers .
Je vous embrasse tous de tout cœur.
Votre cousin Grandecourt »

Les « Gotha » sont des avions allemands. Leur nom vient de la Ville où est implantée l’industrie ferroviaire « Gothaer Waggonfabrik » ; ce sont des avions biplans bombardiers de « torpilles » de 50kg, qui remplacent les Zeppelins à l’automne 1916. Leurs premiers tirs sont dirigés sur le Front des Balkans. Puis c’est sur Londres de mai 1917 à mai 1918 ; ils sont mis en déroute par la Chasse britannique.

Partition, En cas d'alerte, sans date Fonds D. Codevelle
Partition, En cas d'alerte, sans date Fonds D. Codevelle

Les "Gothas" ont aussi sévi en France comme en témoigne le chansonnier Julius dans cette partition.

Encore un carreau d'cassé
V'là les Gothas qui passent
Encore un carreau d'cassé
V'là les Gothas passés

Vlà les gogo ! v'là les gogo !
V'là les les Gothas qui passent
Vlà les gogo ! v'là les gogo !
V'là les Gothas passés

Les bombardements : les destructions

Institution C. Galtier, rue du Parc, carte postale, sans date
Institution C. Galtier, rue du Parc, carte postale, sans date

Dans la nuit du 30 au 31 janvier 1918 le bombardement va toucher :

  • à Paris

Ecole des Mines boulevard Saint-Michel (2ème arr.)

Hôpital Broca (13ème arr.)

Cours de Vincennes (12ème arr.)

Rue Curial (19ème arr.)

Avenue de la Grande Armée (17ème arr.)

  •  à Saint Mandé où se déplacent le lendemain du bombardement Clémenceau et Poincaré
  • à Fontenay

rue du Parc (actuellement du Commandant-Jean-Duhail)

rue du Châtelet (actuelle rue Charles-Bassée),

rue de Rosny,

rue Guérin-Leroux,

rue Boschot

Cette carte postale montre l'entrée des élèves de institution Camille Galtier au 3 rue du Parc sur la gauche (la photographie est prise depuis la place des Rosettes). Cette institution était une école industrielle pour former des mécaniciens.

L'institution sera démolie par le bombardement et son activité transférée à Paris.

Les bombardements : les victimes

Extrait du journal L'illustration du 9 février 1918
Extrait du journal L'illustration du 9 février 1918

Dans son édition du 9 février 1918, L'Illustration relate le drame de cette nuit du 30 au 31 janvier 1918.

Il y aurait eu sur Paris et la banlieue 51 morts et 204 blessés ; à Fontenay on déplore deux enfants morts "… la petite Marcelle, âgée de huit ans et demi, le petit Lucien, âgé de trois ans… » et leur mère grièvement bléssée.

« … Le père arrivait à Paris en permission de dix jours. Mobilisé au 118è d’artillerie depuis le mois d’août 1914 … Dans le train de banlieue qui l’emmenait chez lui, le 31 janvier, le malheureux permissionnaire apprit de voyageurs trop bavards qu’une bombe était tombée sur sa maison… »

Retrouvez L'intégralité du journal   

Les cantonnements de soldats

Cantonnement du 12e d'artillerie, rue Dalayrac, carte postale, septembre 1914.
Cantonnement du 12e d'artillerie, rue Dalayrac, carte postale, septembre 1914.

Dès le début de la guerre, la population civile fontenaysienne voit arriver de nombreux soldats dans la ville et rejoindre leur lieu de cantonnement. 

Le Fort de Nogent est évidemment un lieu de cantonnement pour les zouaves et le 12e régiment d'infanterie.

Ici, le 12e d'artillerie, 65e batterie a installé son cantonnement annexe dans une propriété "à vendre", en septembre 1914. 

A l'arrière plan, on peut observer des chevaux. 

On sait par ailleurs qu'il s'agit de l'ancienne propriété du compositeur d'opéra comique, Nicolas Dalayrac (1753-1809).

Cette maison est aujourd'hui détruite. 

La fabrique de bouchons, carte postale, 1915.
La fabrique de bouchons, carte postale, 1915.

Autre lieu de cantonnement de soldats: l'usine de bouchons Laugier. Elle se situait au 1 de la rue Raspail. 

Actuellement on y trouve l'usine d'outillage Magafor. Une partie de l'ancienne usine est encore visible lorsqu'on se dirige vers la villa des Carrières.

Les soldats l'avaient surnommé le Fort de liège. Ils ne parlaient pas de la ville belge. Ils se moquaient du caractère prenable de leur lieu de cantonnement. 

Leur cantonnement a duré environ deux ans : du printemps 1915 jusqu'en 1916. 

Le militaire qui a écrit cette carte postale a ajouté à l'encre bleue le nom de véritables forts présents sur cette vue et le lieu où il "travaille et où (il) couche". Au premier plan on peut remarquer le stockage des bouchons.

Une autre usine a servi de lieu de cantonnement: l'usine Gaveau qui fabriquait des pianos dans ses bâtiments installés rue Castel. Nous reparlerons de cette usine lorsque nous aborderons l'effort de guerre des entreprises fontenaysiennes. L'usine Gaveau a été évacuée en octobre 1915.

Verso de la carte postale La fabrique de bouchons, 1915
Verso de la carte postale La fabrique de bouchons, 1915

Au dos de la carte postale de la fabrique de bouchons, voici ce que l'on peut lire:

"Vous pouvez m'écrire voilà ma nouvelle adresse, 13ème d'artillerie, 1er groupe d'auxiliaire Fontenay-sous-bois, Seine"

"Nous sommes habillé de dimanche un pantalon de velour, moltières cuir, tunique calotte, cravatte je vais acheter des souliers, j'ai des sabots. Nous sommes trois coiffeurs un ancien moi et un que je connais bien il va signer son nom il est arrivé après moi je suis là maintenant en pied. Tout va bien si (nom d'une personne illisible) pouvait venir au régiment quel dressage pour tout. (signé) FB"

Cette carte est envoyée à "Mr. et Mme Barr, 23 rue du Parc Clagny, Versailles, Seine et Oise", elle a voyagé le 9 mars 1915. 

Le "FM" écrit en haut de la partie réservée pour la correspondance signifie "franchise militaire".

Carte-photo de soldats cantonnés à l'usine de Bouchons, 1914.
Carte-photo de soldats cantonnés à l'usine de Bouchons, 1914.

Cette carte-photo a été prise sous le hangar de l'usine des bouchons Laugier. 

Les soldats, cantonnés-là s'apprêtent à tuer une truie. Un civil en casquette, le 6e en partant de la droite, tient une boite où est inscrite une date: "11 novembre 1914". 

Des noms ont été ajoutés à posteriori au crayon bleu pour identifier trois personnages de cette photo souvenir. Ils sont difficiles à déchiffrer. En partant de la droite, le 3e s'appellerait "Aubry"; le 5e, le plus proche du mur du fond "Paul". En partant de la gauche, le 5e homme serait "Joron" ou "Jean".

Verso de la carte-photo des soldats cantonnés à l'usine des bouchons, 1914.
Verso de la carte-photo des soldats cantonnés à l'usine des bouchons, 1914.

Le verso de la carte photo des soldats cantonnés à l'usine de bouchons contient une liste de vêtements et d'accessoires textiles, écrite au crayon à papier et partiellement effacée. 

Nous avons pu déchiffrer:"1 chemise homme (?) Paul ; 3 serviettes table M (?); 2 chemises de dame brodé; 4 serviettes hygiéniques; 4 mouchoirs à cart (carreau ?) Paul, 1 mouchoir (suite effacée); 2 mouchoirs dont 1 brodé; 1 autre à (suite partiellement effacée); 1 bleu à ray... (suite effacée); 1 torchon vaisselle bleu; 20 (?)"

Ensuite au stylo bleu est écrit "Souvenir de la guerre 1914-18. Photo prise à Fontenay s/bois au lieu-dit "Les bouchons" au début 1916. Celui qui tient le seau se nomme Penu (?) - chanteur café-concert".

La date indiquée est contradictoire avec celle écrite sur la boite tenue par un des hommes photographiés sur le recto de la carte photo: "11 novembre 1914". 

Guerre 1914-1915. Ecole Jules Ferry, carte postale, sans date.
Guerre 1914-1915. Ecole Jules Ferry, carte postale, sans date.

Les deux écoles publiques de Fontenay ont servi de cantonnement aux soldats. 

L'école Victor Duruy, appelée école de Joinville à l'époque de la guerre, a été occupée partiellement par les troupes pendant 14 mois, d'août 1914 à octobre 1915. 

Par contre l'école Jules Ferry, appelée l'école Roublot ou l'école de l'Ouest au moment du conflit, l'a été totalement. 

De nombreux pères de famille s'en plaignent auprès de la municipalité. Comme à l'école Duruy où les soldats sont restés cantonnés d'août 1914 à octobre 1915. 

Après l'évacuation des troupes, la municipalité a désinfecté les bâtiments et a dressé une liste d'autres lieux possibles pour les cantonnements. Hélas cette liste n'a pas été archivée. Mais il n'était pas rare que des propriétés de particuliers aient accueilli des militaires.

Sur cette carte postale on peut remarquer que les militaires ont installé un poste de garde entre les deux entrées de l'école, celle des filles et celle des garçons. 

Un artilleur du 12e régiment, cantonné à Jules Ferry, était dans le civil chansonnier. Sur certaines sources documentaires, il est désigné comme serveur. Ce qui est sûr, c'est qu'il travaillait dans un cabaret parisien, l'Eldorado. Son nom de scène était Sioul, administrativement il s'appelait Louis Choffel. 

Avant la guerre, il avait dans son répertoire une chanson qui s'intitulait La Madelon. Elle ne rencontre pas alors un grand succès. 

Cantonné à Jules Ferry, Sioul la chante à ses compagnons de chambrée. Elle devient populaire à Fontenay et est reprise partout sur le front. 

On apprend en août 1922 dans le journal de l'Union nationale des combattants (U.N.C.), La voix du combattant, que Sioul est devenu entrepreneur de peinture à Rabat au Maroc et qu'il est membre actif de l'U.N.C.

Carte-photo des soldats cantonnés à l'école Jules Ferry, corvée de patates, 1915.
Carte-photo des soldats cantonnés à l'école Jules Ferry, corvée de patates, 1915.

Les soldats du 12e régiment d'artillerie, 65e batterie de dépôt, cantonnés à l'école Jules Ferry se réunissent dans la cour pour la corvée d'épluchage de patates. 

Verso de la carte-photo des soldats cantonnés à l'école Jules Ferry, corvée de patates, 1915.
Verso de la carte-photo des soldats cantonnés à l'école Jules Ferry, corvée de patates, 1915.

Correspondance écrite au verso de la carte postale des soldats cantonnés à l'école Jules Ferry, corvée de patates:

"Vendredi 16 avril 1915

Ma petite chérie

Rien de nouveau depuis lundi, et toujours pas de permission en perspective ce qui est le plus moche. Je vous envoie aujourd'hui une corvée de pommes à l'école Jules Ferry mais ce n'est pas la photo que je vous ai parlé dans ma dernière lettre. Toujours en attendant la fuite, car avec le beau temps on s'emm. - encore davantage, je termine en vous embrassant bien tous de tout coeur. 

Ton mari qui t'envoie mille baiser. (signature illisible)"

Cette carte est envoyée à "Madame Lebaudy à Ainville par Meulan, Seine et Oise"

Le terme fuite signifie très certainement "libération de la classe".

Verso d'une carte postale de soldats, classe 1914, octobre 1914.
Verso d'une carte postale de soldats, classe 1914, octobre 1914.

Voici retranscrite la correspondance d'un soldat cantonné à l'école Jules Ferry:

"12e régt d'art 65 batterie de dépôt Ecole Jules Ferry Fontenay sous Bois Seine.

Fontenay sous bois le 11 octobre 1914

Mon cher voisin

Tout continue de bien aller, nourriture bonne et travail de plus en plus interessant. J'ai surement moins de mal qu'a St Just. Tout va bien. Je me porte bien. Je vous prie de dire a maman que je me suis acheté un chandail en laine.

Bonjour et bonne santé pour vous ainsi qu'à la mère Desmet.

Votre voisin G. Fleury"

Partition paroles et musique de la chanson la Madelon, couverture.
Partition paroles et musique de la chanson la Madelon, couverture.

La chanson La Madelon ou aussi appelée Quand Madelon est devenue très populaire auprès des poilus durant toute la guerre de 1914-1918.

Elle est créée à Paris avant le déclenchement du conflit par Louis Bousquet pour les paroles et par Camille Robert pour la musique. 

Les chanteurs comiques troupiers Polin et Bach l'inscrivent à leur répertoire, comme il est indiqué sur la couverture de la partition présentée ici. 

Le soldat Sioul, cantonné à Fontenay, la popularise.

Bach écrit à ce sujet: "Partout les machines à écrire, les papiers carbone, les ronéos des états-majors multipliaient les strophes de Bousquet et la chanson volait déjà d'Epinal à Calais. Nous étions alors en 1915 et tout le monde célèbrait les vertus et la jeunesse de celle qui prodiguait son pinard et ses sourires aux gars qui montaient se faire tuer". 

la Madelon est une chanson de marche, destinée à rythmer le pas des militaires mais aussi à leur faire oublier les cruelles réalités de la guerre et ses atrocités. 

Les femmes, le vin sont là pour étourdir les consciences. 

Partition de la chanson La Madelon.
Partition de la chanson La Madelon.

La chanson de La Madelon est enregistrée dès 1917. 

Cette chanson gaie ne fait jamais allusion aux durs combats que mènent les soldats sur le front. Au-delà de la légende elle est en totale opposition avec ce que vivent les combattants. 

Les autorités militaires la préfèrent à la Chanson de Craonne, chanson jugée contestataire, antimilitariste et défaitiste. 

Les soldats la chantaient sur le front dès 1915 mais elle fut censurée en 1917. 

Voici un extrait des paroles de la chanson de Craonne: "On s'en va là-bas en baissant la tête".

Le cabaret cité dans la chanson de La madelon et où vont boire les soldats s'appelle le "Tourlourou". C'est le nom des jeunes fantassins appelés aussi "Pioupiou", au pantalon rouge. C'est aussi le surnom donné aux chansonniers comiques troupiers qui, sur scène, s'habillaient en soldats. 

Madelon, carte postale, 1921.
Madelon, carte postale, 1921.

Une plaque est posée sur les murs de l'école Jules Ferry en 1921 et rappelle que la chanson La Madelon doit son succès à des artilleurs cantonnés dans l'école et notamment à un poilu nommé Sioul du 17e régiment d'artillerie. 

Cette année-là, la municipalité décide d'élire tous les ans une Madelon parmi les jeunes fontenaysiennes, pour se souvenir de l'histoire de cette chanson et de la guerre. 

La première a être élue s'appelle Louise Bérault, photographiée ici en tenue rayée avec tablier et coiffe. 

Depuis 1842 il existait dans notre ville l'élection de la rosière, jeune fille vertueuse et méritante de l'année. La Madelon reprend cette tradition. 

En 2011 la municipalité décide d'arrêter cette élection dans un souci de préserver l'image féminine mais les fêtes de mai-juin qui l'entourent restent un moment fort pour la ville. 

L’effort de guerre des entreprises locales

Usine des Rigollots, carte postale, sans date
Usine des Rigollots, carte postale, sans date

En 1917, les autorités militaires réquisitionnent l'usine de cataplasmes Rigollots pour sa fabrication de gaz moutarde qui sera utilisé lors de combats militaires comme arme chimique. 

Il est appelé ainsi car son odeur ressemble à celle de la moutarde. On lui donne aussi le nom de gaz Ypérite qui rappelle une ville belge, Ypres, où il fut employé pour la première fois en 1917.

Ce gaz provoque de graves brûlures aux yeux, sur la peau, aux poumons. Il est mortel. Il passe la barrière des vêtements et des plastiques des bottes et des masques. Il est redoutable. 

L'usine des Rigollots est installée sur le territoire de Fontenay depuis 1872 et fabrique des cataplasmes (ou sinapismes) à base de moutarde qui soignent les maladies des bronches. Elle se situe à l'angle de la rue Dalayrac et de l'avenue de la République. 

En août 1917, les voisins de l'usine se plaignent des dangers d'émanations. Ils craignent pour leur santé. Certains retrouvent leurs volailles mortes à cause de fuites de ce gaz. Les autorités militaires déplacent la fabrication du gaz moutarde dans une autre localité.

Photographie de l'intérieur des usines Rigollots, années 1960.
Photographie de l'intérieur des usines Rigollots, années 1960.

Une des rares vues de l'intérieur des usines de cataplasmes Rigollots du nom de son créateur, Paul-Jean Rigollot. 

Les installations s'étendaient sur 4000 m². Une quarantaine d'ouvriers et ouvrières y travaillaient.

L'usine a fermé ses portes vers les années 1960 mais son nom reste celui du quartier et du carrefour.

Boites de cataplasmes sinapisés, sans date, (7 x 11 x 5 cm).
Boites de cataplasmes sinapisés, sans date, (7 x 11 x 5 cm).

Les Rigollots étaient vendus en poudre, contenues dans des boîtes métalliques comme celle-ci mais aussi en feuilles.

Au plus fort de la production, 25 000 feuilles et 250 boites sortaient tous les jours des usines. 

Ils soignent les congestions pulmonaires, les bronchites, les pleurites, les névralgies, les douleurs rhumatismales et les congestions cérébrales.

Manufacture Gaveau, carte postale, sans date
Manufacture Gaveau, carte postale, sans date

Les usines Gaveau étaient installées à Fontenay depuis 1896. Elles fabriquaient des pianos vendus dans le monde entier et employaient jusqu'à 250 ouvriers et ouvrières, au plus fort de la production.

C'était l'entreprise la plus importante de la ville.

En 1908 elle subit un incendie ravageur mais reconstruit rapidement ses bâtiments détruits par les flammes.

A la déclaration de la guerre elle est en pleine expansion.

Les dirigeants, désireux de contribuer de façon indirecte à la Défense nationale, décident de consacrer une part importante de leur activité à la fabrication de pièces pour l'aviation. 

En 1914 l'aviation militaire française est balbutiante, elle ne possède que 148 avions et 15 dirigeables.

A l'armistice, en 1918, 3608 avions étaient en service.

L'outillage dont sont dotées les usines Gaveau et la présence parmi les ouvriers d'une main d'oeuvre spécialement exercée au travail du bois, ont permis de fournir en grandes quantités, durant la guerre, les plans supérieurs, les stabilisateurs, les empennages, les gouvernails, les dérives...

Tout ce qui constitue les voitures de rechange des avions de type Spad VII et XIII pour les armées françaises et américaines. 

Les avions Spad sont des biplans reconnus pour être solides et rapides. C'est un chasseur qui pouvait voler à plus de 350 km/h (version XIII). Ce fut l'avion de Georges Guynemer.

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