Lucien Aubry et les Franciscains
LUCIEN AUBRY ET LES FRANCISCAINS
Parcours de Lucien Aubry (1906 - 1944)
Lucien Aubry est né en 1906 au Pecq dans l'ancien département de Seine-et-Oise.
Son père, Henri Adrien, est un industriel qui a réussi dans la moutarde. Lucien grandit avec ses deux sœurs et son frère au sein d’une grande maison alpicoise et fréquente l’école Saint-Augustin de Saint-Germain-en-Laye. C’est dans cet établissement qu’en 1917 il effectue sa première communion, un an avant d’obtenir son certificat d’étude. Par la suite, il continue probablement ses études au lycée jusqu’en 1926, année durant laquelle il effectue son service militaire.
Dès la fin de son service, il entreprend des études pour devenir membre du clergé. Il choisit d'être franciscain, ordre religieux appelé également Ordre des Frères Mineurs (OFM). Cet ordre mendiant, catholique, a été fondé en 1210 en Italie, sous l'impulsion de Saint François d'Assise. Ce choix implique une vie de grande pauvreté et de simplicité évangélique.
En 1927, Lucien entre au Petit Séminaire de Fontenay, dans le groupe des vocations tardives. Il a 21 ans. Lucien Aubry y réalise un parcours brillant. Cet établissement franciscain de Fontenay est créé en 1923 par Monseigneur Dreyers. Il a pour objectif d’augmenter le nombre de prêtres et de missionnaires. Pour cela, des garçons de bonnes familles et qui ont une vocation, peuvent intégrer dès 12 ans cet internat. Ils sont préparés au noviciat et au séminaire. Ce Petit séminaire est la seule structure franciscaine en France à accueillir des élèves aussi jeunes. En conséquence, tous les ans, environ 150 nouveaux élèves venant de toute la France métropolitaine et d’outre-mer, intègrent ce pensionnat.
En 1931, Lucien Aubry entre au noviciat de la Province de France, seul Grand séminaire franciscain en France. En 1938, il est ordonné prêtre.
L’année suivante, il décide de rejoindre l’établissement fontenaysien où il a étudié, mais cette fois-ci en tant que professeur de mathématiques. Ses collègues et élèves louent alors sa bienveillance, sa patience et sa rigueur. Cependant, quelque mois après son arrivée, il est mobilisé pour la Bataille de France au sein du 21e puis du 5e Régiment d’infanterie coloniale. Durant la bataille, il est blessé grièvement à la jambe avec une arme anti-char et passe plusieurs mois à l’hôpital. En 1941, la jambe définitivement immobilisée par une attelle et décoré de la Croix de guerre, il revient au Petit séminaire de Fontenay, où la résistance face aux allemands s’est organisée.
Le révérend Père Aubry joue un rôle important lors de la Libération de Fontenay.
Les Franciscains en Résistance
De façon générale, les pensionnats catholiques sont des lieux de résistance très efficaces car des nombreuses personnes y circulent et la dimension religieuse de l’établissement rend les inspections par la Gestapo plus délicates. Comme de nombreuses autres structures similaires à travers la France, le Petit séminaire de Fontenay entre progressivement dans la Résistance. Celle-ci commence par la dissimulation d’un prêtre anglais et d’un ancien élève lorrain qui, lors d'une permission, a déserté, son unité SS qui combattait sur le front de l’Est.
Par la suite, le Père Marie-Clément structure cet embryon de Résistance et le relie à des réseaux. C’est ainsi qu’en plus de l’accueil d’enfants juifs, de déserteurs et de réfractaires au Service du travail obligatoire (STO), le séminaire se spécialise dans la production de faux papiers. Un bureau au 2ème étage surnommé le « Sous-marin » est entièrement dédié à cette activité. Le Père Marie-Clément, se sachant de plus en plus menacé, fini par partir pour le maquis où il devient aumônier. Il ne revient à Fontenay qu’à la fin de la Guerre, décoré de la Croix de la Résistance.
Malgré son départ, les faits de résistance des franciscains fontenaysiens continuent. Peu avant la Libération, le Père Bonaventure part cacher un aviateur anglais dont l’avion a pris feu.
Cette Résistance franciscaine est résumée dans le Bulletin du Petit Séminaire Franciscain de Fontenay-sous-Bois d'août 1945, Fratres In Unum et dans celui de novembre 1948 pour les 25 ans de présence Franciscaine à Fontenay.
Ces actions de résistance s’inscrivent dans un réseau plus vaste mené par les franciscains. La figure la plus reconnue est celle de Corentin Cloarc, ancien professeur au séminaire de Fontenay.
Pendant la Seconde Guerre, il est vicaire du couvent Saint-François à Paris. Très actif au sein de la Résistance, notamment dans l’exfiltration de personnes en danger vers l’Espagne, il est assassiné par deux membres de la Gestapo le 28 juin 1944.
Cet assassinat marque les esprits. Les deux membres de la Gestapo se sont fait passer pour des amis d’un résistant, arrêté la veille, afin de pouvoir entrer dans le couvent sans éveiller les soupçons.
En plus des activités de Résistance, les membres du Petit séminaire de Fontenay apportent un soutien et un réconfort pour les civils. Lors du bombardement de Noisy-le-Sec, ils se mobilisent pour venir aider à déblayer les décombres.
De plus, durant toute la guerre, ils continuent d’organiser des cérémonies et des processions, comme lors des Fêtes-Dieu, ce qui d’après des témoignages de fontenaysiennes comme Lucienne Scaglia, offrent un moment d’insouciance salutaire.
Cet engagement dans la Résistance et leur mobilisation durant la Libération sont reconnus après-guerre. Lors de la formation du Conseil municipal provisoire, le 28 octobre 1944, 10 sièges sont réservées aux Forces Françaises de l'Intérieur (FFI), 10 sièges aux Francs-Tireurs et Partisans (FTP) et un siège pour un Franciscain.
Il est occupé par le frère Benoît Brun qui durant son très court mandat tente de calmer les volontés de vengeances et plaide pour l’apaisement. Ce discours est corroboré par des actions car, malgré la désapprobation des FTP, le père Bonaventure consacre du temps aux prisonniers accusés de collaborationnisme, qui sont enfermés au Fort de Nogent.
La mort du père Aubry a marqué les esprits et elle a probablement contribué à légitimer aux yeux des fontenaysiens les actions de résistance du Petit séminaire et son discours pacifiste.
"article rédigé par Clara Huguet en août 2022."